Les clauses MAC, sans lien avec un certain GAFA, désignent les clauses dites de « Material Adverse Change ».
Sans doute dans le (fameux) « monde d’après » reprendrons nous tous l’habitude de parler français, mais pour l’heure, les praticiens des fusions-acquisitions connaissent bien les clauses MAC qu’ils utilisent dans les contrats de cession d’entreprise.
Ces clauses ont pour objet de gérer les conséquences à tirer de la survenance de certains risques ou événements susceptibles de se produire entre la signature du contrat de cession (signing pour les anglicistes distingués) et sa mise en œuvre (closing pour les mêmes), c’est-à-dire le transfert effectif des actions ou des actifs cédés.
À titre d’exemple, il pourra être stipulé au contrat de cession que si devaient survenir certains événements défavorables entre signing et closing, tels que par exemple le départ d’une personne-clé de la société, la perte d’un important marché ou plus généralement tout événement « significatif » susceptible d’affecter gravement le fonctionnement ou la santé financière de la société, alors l’acquéreur aurait la possibilité de se dédire de son projet d’acquisition, le mécanisme s’apparentant en ce dernier cas à celui d’une clause résolutoire.
Ces clauses peuvent au demeurant être utilisées dans tout contrat où une partie s’engage en anticipant un risque potentiel qui, si il venait à se réaliser, rendrait rétrospectivement son engagement sans objet ou abscons.
A la différence de l’événement de force majeure, bien défini par l’article 1218 du Code civil et la jurisprudence (https://lerins.com/coronavirus-et-force-majeure/), il n’existe aucun cadre légal ou jurisprudentiel encadrant les conditions d’application ou les effets d’une clause MAC et il conviendra de s’en remettre à chaque fois à la rédaction adoptée par les parties.
Or, si l’imagination est ici au pouvoir puisqu’une infinité de clauses peut être imaginée, la prudence est ici par nature de mise.
En effet, une référence trop générale à un « événement susceptible d’affecter significativement et défavorablement, à la date de réalisation de la cession, l’activité, le patrimoine, la situation financière de la société ou sa capacité à satisfaire à ses engagements contractuels» offre un point d’appui pour bloquer une transaction mais risque également d’être source de litige tant le vendeur aura les plus évidentes raisons de contester les velléités de l’acheteur de se dédire.
De ce point du vue, le rédacteur devra s’attacher à objectiver et décrire aussi précisément que possible l’événement déclencheur de la clause MAC et prendre soin de ne se référer qu’à un événement totalement indépendant du bon (ou mauvais) vouloir d’une partie, suivant l’interdiction de principe des clauses potestatives (pour mémoire dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur) prohibées par l’article 1304-2 du Code civil.
C’est parce que l’événement déclencheur sera objectif et précisément décrit, qu’il s’agisse de la non-atteinte d’un seuil financier (chiffre d’affaires, résultat ou autre), le renouvellement d’un marché important, la délivrance d’un brevet, l’absence de contestation d’un permis de construire, etc), que les conditions de mise en œuvre de la clause seront incontestablement réunies.
Aussi délicates soient-elles à rédiger et donc à rendre efficaces, les clauses MAC présentent un réel intérêt si on les compare aux concepts de force majeure (renvoi précédentes flashnews) ou d’imprévision.
Que la force majeure soit invoquée dans le cadre judiciaire au visa de l’article 1218 du Code civil ou qu’elle fasse l’objet d’une clause contractuelle en décrivant les effets, la force majeure aura le plus souvent pour seul effet celui de la suspension des obligations des parties pendant la durée de l’événement de force majeure, plus rarement celui de la résolution du contrat.
Mais surtout, la force majeure requiert de la partie qui s’en prévaut qu’elle prouve l’imprévisibilité de l’événement et son caractère irrésistible, ce qui peut souvent s’avérer délicat et source de litiges (https://lerins.com/la-force-majeure-a-bon-dos/).
La clause MAC dispense évidemment celui qui l’invoque de ces contraintes, la seule survenance de l’événement prévu par la clause suffisant à sa mise en œuvre, sans que le bénéficiaire ait à se justifier de l’usage du dédit qui lui est ouvert par la clause MAC.
En outre, la clause MAC produira exactement l’effet résolutoire qu’elle a vocation à initier, sans possibilité d’interprétation et en dehors de tout arbitraire judiciaire.
Quant au mécanisme de l’imprévision de l’article 1195 du Code civil, introduit dans le droit français par l’Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, celui-ci est sur le papier séduisant puisqu’il ouvre la possibilité à une partie, en cas de « changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat » rendant « l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque» de demander une renégociation de celui-ci, mécanisme donc différent de celui de la clause MAC qui a plus souvent pour objet la faculté de se dédire que celui de renégocier.
L’imprévision présente toutefois plusieurs écueils. Le premier, et non des moindres, est celui que l’article 1195 du Code civil, qui n’est pas d’ordre public, est à peu près systématiquement écarté par les praticiens depuis son entrée en vigueur, au point que la clause contractuelle en écartant l’application est devenue quasiment une clause-type.
Ensuite, l’imprévision supposant de démontrer que le changement de circonstances était imprévisible au jour même de la conclusion du contrat, la démonstration de cette imprévisibilité pourra s’avérer particulièrement délicate et là encore source d’interprétations divergentes et de litiges.
Enfin, l’imprévision, qui cible l’hypothèse de contrats dont l’exécution deviendrait excessivement onéreuse pour une partie, semble en l’état exclure de son champ d’application les nombreuses hypothèses et événements pouvant être visés par une clause MAC.
Ainsi, si imprévision et force majeure ont le vent en poupe dans les esprits et dans les écrits des praticiens (et nous ne sommes pas les derniers), les clauses MAC, outil flexible et moins aléatoire que force majeure et imprévision, pourraient et devraient demain conquérir un espace plus large que celui qu’elles occupent aujourd’hui.
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