Il faudrait avoir passé un temps important en confinement plus qu’étroit et été longtemps sevré de communication électronique pour ne pas avoir entendu parler de la force majeure.

Outre son omniprésence en ligne (l’auteur de ce texte s’excusant de contribuer à cette omniprésence), il n’est guère d’entreprise qui ne soit confrontée, en raison de la crise sanitaire, à l’impossibilité objective d’exécuter ses obligations ou qui ne voit ses partenaires lui opposer cette même impossibilité, dans un contexte donc de force majeure.

Nous avons déjà eu l’occasion de rappeler que si la crise du coronavirus – Covid-19 pour les intimes – relevait à coup sûr pour beaucoup d’un évènement de force majeure justifiant d’une impossibilité d’exécuter ses obligations, c’est bien à la condition que cet évènement soit, du point de vue de celui qui l’invoque, imprévisible, hors de contrôle et irrésistible, en ce qu’il ne peut y être répondu par des mesures ponctuelles permettant de le contourner.

Malgré ces conditions, il semble bien que certains acteurs économiques, et non des moindres, usent et abusent de l’excuse de force majeure en décrétant la suspension du paiement de leurs fournisseurs, au risque de contribuer à aggraver la crise systémique dans laquelle le pays est susceptible de plonger si l’argent cesse de circuler.

On relèvera ainsi l’exemple du Groupe Printemps qui n’a dernièrement pas hésité à écrire à l’ensemble de ses fournisseurs pour les informer que se trouvant « dans une situation économique et financière sans précédent, à la fois exceptionnelle, irrésistible, imprévisible », il était décidé de « suspendre le paiement de la totalité de nos encours fournisseurs à compter de ce jour pour l’ensemble des sociétés et des établissements du Groupe Printemps. »

Un rappel à l’ordre du Ministre de l’Economie et des Finances a amené le Groupe Printemps à faire machine arrière mais cet incident est révélateur d’une dangereuse tendance de fond.

Il convient donc de rappeler que la force majeure ne peut en aucun cas être le viatique permettant de s’absoudre du non-respect de la loi – en l’occurrence ici les règles concernant les délais de paiement – et moins encore de dispenser celui qui s’en prévaut de justifier que sont réunies les conditions de la force majeure.

Nul ne remettra ici en cause le fait que la crise sanitaire et d’éventuelles décisions gouvernementales de fermeture ou d’interdiction entrainant fermeture de magasins, puissent être des évènements imprévisibles et hors de contrôle.

Il est en revanche beaucoup plus difficile d’établir que de telles fermetures puissent nécessairement justifier de l’irrésistibilité de l’évènement et en particulier de l’impossibilité pour certains d’exécuter leurs obligations de paiement.

C’est d’autant plus vrai lorsque l’évènement allégué (par exemple la fermeture d’un magasin) est sans lien aucun avec le paiement de marchandises précédemment livrées et qui doivent donc être payées, la seule conséquence éventuelle d’une impossibilité avérée de payer étant celle de la déclaration de cessation des paiements….

Il est tentant ou opportun pour certains de faire revêtir à la force majeure les beaux habits d’un prétexte bien commode mais il en est de la force majeure comme de toute substance enivrante, elle devra en toutes circonstances être consommée… avec MODERATION !

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